Reflet de l’âme au-delà du désert…
Eïmina laissait derrière elle la dense forêt de l’Oubli et le peuple elfique qui s’y dissimulait. Devant elle se dessinait le désert d’Ambrovör, vaste et lumineux. En effet, le soleil reflétait sur le sable fin ce qui aveuglait la jeune femme à la sortie du lieu ombragé. La température avait radicalement changé. Mina, Sviden et son fraternel, l’ours brun Otac, venaient d’une zone géographique au climat doux et se dirigeaient à présent vers une zone bien plus aride. Le contraste était impressionnant. La jeune femme essuya une goutte de sueur qui commençait à perler sur son front. L’Élue jeta un dernier coup d’œil au dragonneau qui s’était confortablement installé au fond de sa besace, avant d’emboîter le pas à son protecteur, mi-homme mi-elfe, qui s’avançait déjà dans le désert. Tout en marchant, elle couvrit ses longs cheveux blonds ondulés avec sa capuche. Son ensemble violet composé d’un corset, d’une jupe et d’une paire de bottes, ne couvrait pas toute sa peau claire et la laissait en proie aux rayons du soleil. L’ombre était rare, elle se devait donc de se protéger d’une éventuelle insolation et sa longue cape lui permettait cela. Sviden l’imita et recouvrit sa chevelure rousse de sa cape bleu nuit. Après quelques heures de marche, la chaleur du soleil chauffait le cuir des bottes de Mina. Ses pieds n’étaient que souffrance. À cela s’ajoutait sa gorge sèche. Elle attira alors l’attention de son protecteur. « Sviden, peut-on faire une halte ? » Le jeune mi-elfe s’arrêta et constatant la peine de Mina réfléchit un instant. Il se mit à regarder un peu plus loin devant lui. Sa vue, plus perçante que celle d’un homme ordinaire, lui permettait de voir plus loin. Il aperçut alors quelque chose qui devrait convenir. « Ma chère. Pourrais-tu avancer encore un peu ? Non loin de nous se trouve une zone arborée sous laquelle nous devrions pouvoir nous abriter des rayons du soleil afin de nous reposer et de nous désaltérer. » La guerrière accepta d’un signe de la tête et se remit à marcher non sans peine. Sviden n’avait pas menti. Peu de temps après, les silhouettes d’une dizaine d’arbres aux allures de palmiers se dressèrent à l’horizon. Un regain d’énergie saisit la jeune femme qui accéléra légèrement son pas. Arrivée à hauteur de la végétation, Eïmina chercha le coin le plus ombragé. Il se situait au centre du regroupement d’arbres. Soulagée, elle souffla en se laissant glisser adossée à l’un des palmiers. Sviden vint s’asseoir à l’ombre à côté de son amie. Cette dernière commença à se déchausser. La chaleur ayant travaillé le cuir, ses pieds restaient coincés. « Ne bouge pas ma chère, je vais t’aider. » Sviden, un genou à terre, se mit à tirer sur la botte de la jeune femme. Eïmina dut montrer de la résistance en réponse à la force qu’y mettait son ami afin de ne pas tomber. La botte sortit d’un coup, faisant chanceler le jeune homme. Il réitéra avec la seconde. La légère brise qui se mouvait entre les arbres, vint caresser agréablement les pieds douloureux de la guerrière. Cette dernière se mit à les masser délicatement en grimaçant aux divers points sensibles. Elle remarqua quelques ampoules percées. « Génial… Je n’ai rien amené pour panser ces petites entailles. — J’ai ce qu’il te faut, lui répondit Sviden en fouillant dans sa besace. Me permets-tu ? » Le mi-elfe tendait sa main vers le pied de son amie attendant son accord. Elle posa alors son membre endolori dans la paume de son protecteur. Ce dernier avait ouvert un petit pot qui contenait une crème verte à l’odeur mentholée. Il récupéra un peu de la matière avec son index et son majeur avant de masser le pied de la jeune femme avec. Une sensation de fraicheur envahit l’Élue dont la peau fut parcourue de frissons. Un instant plus tard, toute douleur s’était dissipée. Sviden avait appliqué la même pommade sur l’autre pied de Mina. Elle regarda ses pieds, étonnée par l’effet radical de cette crème. Elle découvrit stupéfaite qu’elle n’avait plus aucune plaie. Elle interrogea du regard son protecteur. « Secret de famille, lui répondit-il avant de se mettre à rire. Non, je plaisante. Nous avons diverses plantes méconnues des Hommes dans notre contrée. Elles nous servent à réaliser ce genre de mixtures. Je pense que tu te souviens de quelques-unes d’entre elles ? » Eïmina hocha la tête. À son arrivée dans la contrée elfique elle avait vu d’étranges plantes dont elle ne connaissait rien. Elle ne chercha pas à en savoir davantage. Son ami l’avait soignée. Elle pouvait enfin se détendre un peu. Elle leva alors la tête pour souffler. « Hum, c’est la première fois que je vois ce genre d’arbre. — Il s’agit d’un dattier. Vois-tu ceci ? dit-il en attrapant un fruit parmi une multitude. C’est une datte. Veux-tu goutter ? — Pourquoi pas, répondit intriguée la jeune femme. — Je t’avertis, c’est un fruit très sucré. Ah, et il y a un noyau à l’intérieur. Évite de t’étouffer avec », la taquina son protecteur. Eïmina porta le fruit à sa bouche et croqua un morceau. Sviden n’avait pas exagéré. Le goût du sucre était si prononcé que Mina grimaça. Le dragonneau qui avait entendu parler de nourriture avait sorti la tête du sac et poussa un cri pour demander sa part. « Tu en veux ? » lui demanda la jeune femme. Pour lui répondre, la créature ouvrit grand sa bouche. Mina lui donna alors le reste de sa datte, en prenant soin de retirer le noyau. Le fruit fut englouti. Le petit être semblait apprécier ce met sucré. « Ça m’a donné soif, constata la jeune femme. Mais il faut qu’on économise notre eau pour les prochains jours. Je regrette de ne pas connaître de sort pour faire apparaître de l’eau à volonté. — Lorsque tu auras étudié à Maïstilys, il se peut que cela change. » Sviden avait prononcé ces mots en les ponctuant d’un clin d’œil. Eïmina avait hâte de se rendre dans cette école. Elle savait que ça ne serait pas facile. Le temps était compté. Elle avait connaissance des difficultés que cela allait lui apporter. Elle devra certainement apprendre plus rapidement que n’importe quel élève. Son protecteur, qui jouait quelques notes avec sa lyre, cessa et la lui tendit. Il lut sur son visage l’inquiétude à laquelle elle était en proie. Il comprit tout de suite et la rassura. « Ma chère Mina. Ne te fais pas de souci. Tout se passera bien. Qui plus est, je serai là. Jamais je ne t’abandonnerai. Tu es la petite sœur que je n’ai jamais eue. — Et toi le grand frère que j’aurais aimé avoir. Je pense que tu te serais bien entendu avec mon père. Il jouait du luth, expliqua-t-elle nostalgique, et a essayé de m’en apprendre les bases. Mais pour être honnête, je n’étais pas très douée. — Probablement parce que tu étais déjà destinée à quelque chose d’autre que la musique. » Comme pour répondre à cela, les accords que Mina joua sonnèrent faux, provoquant leur hilarité à tous deux et le gémissement plaintif de l’ours brun. Sviden lui expliqua alors comment placer l’instrument contre son torse et quelles cordes gratter. Il lui enseigna ainsi quelques accords. Mina, studieuse, répéta les gestes de son ami. Un son plus agréable qu’auparavant s’éleva dans les airs, enchantant les oreilles de la jeune femme. « Eh bien tu vois ma chère que tu n’aies pas une cause perdue, rit son protecteur. — J’ai un bon professeur, lui sourit-elle tendrement. Est-ce que tu pourras continuer à m’apprendre à en jouer ? — Bien sûr ma chère. Après tes études de magie, je pense que nous devrions réussir à trouver un peu de temps pour t’aider à te perfectionner. » L’Élue le remercia et lui rendit son instrument. Ils s’étaient suffisamment reposés et se devaient de reprendre la route pour arriver au plus vite à la Tour de la Perdition. Plusieurs jours de marche se profilaient à l’horizon. Ça ne serait certainement pas facile car la végétation était rare dans le désert et par conséquent l’ombre également. Ils avaient été chanceux de tomber sur cette zone et cela ne se reproduirait peut-être pas. Avant de partir, Eïmina ramassa quelques dattes qu’elle rangea dans un compartiment de sa besace, séparé de son bébé dragon. Trop gourmand, il les mangerait certainement toutes en une fraction de seconde. Après avoir de nouveau arrangé sa capuche sur sa tête, Eïmina reprit la route, accompagnée par Sviden et Otac.